le divan-blog des journalistes
Dans le cerveau du génial Pascal
Je ne saurais pas dire le processus physiologique qui fait qu’au bout d’un moment y’a un truc marrant qui sort du crayon ( vià93, 11 novembre 2017 ).
C’est ainsi que Pascal Gros, trop modeste, parle de son talent de dessinateur de presse. La psychanalyse et la neurobiologie peuvent-elles nous aider à éclairer le mystère de la création chez les grands cartoonists ?
30 octobre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
On pense en premier lieu à l’intelligence.
Personne ne sait la définir, et pourtant, on sait bien que l’intelligence, ça existe ! En psychologie, on n’essaye même pas, on se contente de mesurer des capacités cognitives - raisonnement, vitesse, verbalisation, mémoire...
La psychanalyse se montre plus tranchante, proposant une échelle très simple :
On mesure l’intelligence d’un individu à son sens de l’humour.
Ce n’est pas une boutade ; Freud explique l’humour par le travail inconscient de la psyché, cherchant un exutoire à une tension psychique. D’une certaine façon, il nous dit que l’homme intelligent fabrique de l’humour pour installer et réinstaller la quiétude dans « sa maison ».
Tiens donc… on a pensé à l’intelligence, on est vite arrivé à l’humour.
Mais la créativité, l’imagination, l’invention ?
La génétique et la neurobiologie modernes en offrent une clé de compréhension majeure :
Nous devons regarder notre cerveau comme un réseau de milliards de câbles ( neurones ), connectés ( par leurs synapses ), dans lesquels circulent de l’information, par impulsions chimiques ou électriques. La problématique du cerveau humain se résume à deux enjeux : développer le réseau, et l’approvisionner en énergie car il en consomme beaucoup.
Des connexions entre neurones se créent quand nous faisons l’effort d’apprendre, de mémoriser, d’aller dans l’inconnu. Ces connexions se fortifient au fur et mesure de leur utilisation. Elles peuvent relier différentes régions du cerveau, formant alors des « hubs », des plates-formes qui redirigent l’info.
Être « bon » dans un domaine, c’est tout simplement avoir pu construire dans son cerveau des connexions fortes, rapides, nombreuses. Alors se produit un petit miracle, on se met à aimer ledit domaine ; c’est en fait notre cerveau qui nous remercie.
Donc inutile d’envoyer nos enfants chez les conseillers d’orientation ; tous, ceux du lycée, et les indépendants qui coûtent affreusement cher, finissent toujours par conclure : que ce jeune fasse ce qu’il aime. Or c’est tout le contraire :
On ne fait pas bien ce qu’on aime, on aime ce qu’on fait bien !
Postulons que Pascal Gros dispose d’un cerveau normal.
À 27 ans, il entre chez Marianne. Dans son cerveau sont déjà installés les câblages de sa jeunesse : le dessin, l’écriture, la politique, et des rejets - l’embrigadement, l’intolérance. Tout ça, le jeune Pascal aime. Assez pour oser vouloir cartooner dans un news magazine.
Pendant les 27 années suivantes, son cerveau sera un chantier permanent. Chaque semaine il doit trouver des idées, et si possible, marrantes. Mois après mois, année après année. On peut redouter pour lui une lassitude, une baisse de l’énergie. C’est tout le contraire : son cerveau se muscle.
Les idées viennent plus facilement. Plus claires, moins consommatrices d’énergie. Il parvient à une synthèse extrême. Voyez comment il résume, en 7 mots, toute la problématique de la formation du gouvernement : ça te dirait d’être ministre cette semaine ?
Et puis sa main reçoit des impulsions, de plus en plus simples au fil des années. Regardez ses portraits de Sarkozy dans les années 2000. Il était un autre dessinateur, « prolixe », « foisonnant ». Angoissé ?
Aujourd’hui, en quatre traits, il croque et nous fait reconnaître l’hyper banal Sébastien Lecornu. Quelques taches de couleur autour, quelques lignes pour le décor, et voilà le 1er ministre dans son jus. Son trait s’est métamorphosé. Et c’est bien plus efficace.
Pascal Gros nous fait passer en trois secondes un édito politique, avec intelligence et distanciation. Et de plus, il travaille en toute intégrité : si ce 1er ministre n’avait pas été un séide de Macron, mais de Mélenchon ou de Le Pen, son dessin aurait été le même.
N’est-ce pas là la définition d’un super journaliste ?
Nota Bene
La chronique « objective » est terminée. Place à la confession : le regard de Gros, sa sensibilité, je ne parviens pas à les ranger dans la colonne « apprentissages » du cerveau.
Prenons par exemple les bras de Lecornu, redessinés par Gros :
La main droite est juste esquissée. Doigts pointus, trait négligé. Comme si, dans un souci didactique, Gros voulait se limiter à l’essentiel. Mais en réalité, toute la finesse de la vraie main du sujet est ici rendue ( vérifiez, Lecornu, ex gendarme, a des mains féminines ).
Regardons maintenant le bras gauche, curieusement relevé, smartphone à l’oreille. Or nous gardons le coude plutôt le long du corps, pour économiser l’effort et stabiliser la posture. Pour comprendre ce choix bizarre de Gros, allons voir Lecornu s’exprimer dans une séance de réponses du gouvernement à l’Assemblée nationale. Il lève le coude, comme atteint d’un tic comportemental, pour manipuler le micro sur sa tige flexible… Gros avait repéré ça !
La neurobiologie n’explique pas tout. Ce type est un génie.
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Crédits
Photo titre :
Dessin Marianne / Gros
Photo Alice Cueye
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Miss Ernotte au Sénat
Ce mardi 7 octobre 2025, la présidente de France Télévisions est passé prendre la température au Sénat. La Commission de la culture l’avait convoquée pour s’expliquer sur les finances de l’entreprise, au lendemain de la publication d’un rapport de la Cour des comptes qualifié d’« alarmant ».
Que lui reproche la Commission ?
14 octobre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
France Télévisions a un déficit prévisionnel énorme. C’est mal.
Qu’en dit Madame Ernotte ?
L’État a baissé ma dotation après que j’ai fini mon budget prévisionnel. C’est sa faute.
Ça se résume à ça. Un enfumage général. La Cour des comptes a « inventé » un péril comptable ( cf notre chronique Les contes de la Cour du 25 septembre ), les sénateurs le reprennent sans le moindre recul, et la « coupable » se défausse.
Mais plus que par la puérilité de sa réponse, on est frappé par son regard. Il exprime… la peur. Au fil de l’audition, l’impression se précise. Ce n’est ni le trac, ni la peur du noir, ni le complexe de l’imposteur… on dirait, très animale, la peur de l’autre. Elle se mobilise contre le danger. Étrange, car en face d’elle, les sénateur(trice)s sont tout contents, tout courtois. Ils passent visiblement un bon moment d’entre-soi ( cf photo-titre ).
La décontraction de ces sénateurs interroge. Ignorent-ils que France Télévisions fonctionne comme une grosse lessiveuse, alimentant, par nos impôts, autre chose que de la télévision ?
On peut diviser ce pactole - un budget de 3 milliards d'€ - en 2 parts :
D’abord, pour 1 milliard, l’argent sert à rémunérer des gens qui vont occuper, en partie, des emplois véritables. En partie seulement. Car pour une autre partie, on s’interroge. Par exemple, le job de « directeur en charge des rapports avec la tutelle ». Il n’est pas pourvu par un journaliste expérimenté, en fin de carrière, qui ne craindrait pas de tenir la posture d’indépendance face au ministre, et qui ne coûterait rien puisque le salaire est déjà budgété. Ce poste a été créé pour accueillir des « amis », tels qu’un ancien dirigeant du Mouvement des jeunes pour Macron. J’adorerais consulter l’agenda professionnel de ce garçon.
Quant aux 2 autres milliards, ils servent surtout à financer, au-delà des charges fixes, la production privée, le cinéma, la « création », à loisir, à satiété. Qui contrôle quoi en la matière ? Une gabegie de millions, de dizaines de millions, jusqu’à 100 millions d’€ par an pour un seul producteur privé. Voici trente ans, le PDG Elkabbach avait dû démissionner à cause du scandale des 100 patates, la rétribution d’animateurs à plus de 1 million de Francs par an. Sous Ernotte, et malgré le contrôle d’État, ça explose.
Est-ce qu’on assite à un délit en col blanc, de détournement de fonds, d’abus de confiance, ou autre … ? Je n’en sais rien. J’observe un fait de société. Et pour le psy, un fait de société remarquable, c’est pain béni pour ce qu’il révèle des protagonistes.
Les sénateurs, d’abord :
Peuvent-ils ignorer de quoi il en retourne ?
Ils voient, et ils ferment les yeux, accrochés à leur propre sinécure.
La Commission de la culture du Sénat, c’est une cour de République bananière.
Delphine, ensuite :
Comment comprendre sa trouille, presque palpable ? Son stress semble augmenter au cours de l’audition, jusqu’à nous offrir ce lapsus linguae de si belle facture : Je tiens à redire que nous ne faisons pas le travail ( 91ème minute ). Splendide, non ?
Pourtant, rien ne va lui a arriver ce jour-là ! Pas de condamnation, pas de destitution, pas de sanction. Et elle n’a pas à craindre d’être prise pour une blanchisseuse. Alors de quoi ?
On peut imaginer qu’elle craint de perdre la plus belle des sinécures de la télévision publique, peut-être la plus belle qu’elle aura jamais. On peut imaginer que l’expérience France Télécom, où elle réchappa naguère, par un miracle inexpliqué, à la condamnation pénale des dirigeants, a laissé des traces. Pures hypothèses, et au mieux, explications de surface. La vérité est bien plus profonde, et complexe.
Pour l’instant, on réserve, comme il est écrit dans les livres de cuisine.
Le portrait psychique de dame Ernotte, esquissé dans les précédentes chroniques ( cf Dénonciation Brutale du 31 août, et Le diable s’habille en Prauda, du 22 septembre ), commence à se préciser.
A suivre…
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Crédits
Photo titre : Alice Cueye
Laurent Lafon, sénateur centriste, le président de la Commission
Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions
Colombe Brossel, sénatrice socialiste
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Titre-hommage à Mr Smith au Sénat ( Franck Capra, 1939 ).
Sybile se lâche
Ce mercredi 8 octobre 2025, la présidente de Radio France a été auditionnée par la Commission de la culture du Sénat. Les élus de la Nation avaient hâte de l’entendre… sur l’affaire Legrand-Cohen.
Une affaire d’État, apparemment.
15 octobre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
En elle-même, l’affaire ( relatée dans notre chronique Oups du 9 septembre ), peut se résumer à « J’ai pris un café avec des types du PS », comme dit Thomas Legrand. Il a raison.
En elle-même, l’affaire est une tempête dans un verre d’eau. Tout le monde sait que France Inter est une radio d’opinion, je dirais < gauche responsable avec petites tendances woke et radicale >. Critiquable s’agissant d’un service public ? Peut-être, mais les causes sont historiques, et ça dépasse de loin le cas de deux journalistes. Legrand et Cohen n’ont pas à être transformés en boucs émissaires, voués à expier la partialité de France Inter.
Or la patronne, loin de protéger ses journalistes, leur a mis la pression :
Elle a viré Legrand et, ce faisant, elle les avertit tous.
Et à Cohen qu’elle ne veut pas virer parce qu’il est une vedette, elle balance une soufflante, qu’elle répètera en audition en scandant les mots :
L’obligation d’impartialité s’impose à tous sur le service public et ne doit souffrir d’aucune exception.
Du pur terrorisme, basé sur un présupposé inexact : l’impartialité ne s’impose pas à « tous », elle s’impose à l’entreprise de presse, nullement à son journaliste. Le journaliste, lui, a droit à être protégé de ce que veut lui imposer le propriétaire.
De là à imaginer qu’un quelconque des sénateurs présents va la corriger…
À quoi jouent-ils ? En voyant leur mine réjouie, on comprend : ils sont dans le plaisir. Le président Lafon « lance » le sujet, ferme son micro, se recule sur son siège sans chercher à dissimuler son autosatisfaction, et laisse Madame Veil raconter sa vie.
Celle-ci, en confiance, se lance dans un véritable one (wo)man show, de bourdes et lapsus plus ou moins conscients :
Thomas Legrand devait participer à un débat contradictoire le dimanche matin, dont le premier invité fut Alain Madelin… Alain Minc, Alain Minc ! ( rires )
Dans le système de valeurs de cette dame, Alain Madelin, c’est « extrême droite », tandis que Alain Minc, c’est « normal ». Autrement dit, par son lapsus, elle fantasme le pluralisme à Radio France. Il serait intéressant de savoir combien de fois Madelin a été invité depuis sa nomination, et comparer avec Minc.
Ravie d’avoir fait rigoler les sénateurs, elle va les multiplier. Au téléspectateur de les repérer, il y en a au moins 1 par tranche de 5 minutes. De ce festival, je ne résiste pas au plaisir d’extraire : Vous connaissez l’analyse de Jérôme Fauxquet ( Jérôme Fourquet, le célèbre analyste de l’IFOP, qui décrypte l’archipel social français ).
Soudain, dans la dernière partie de l’audition, les lapsus s’interrompent. De légère, Madame Veil devient dure pour exécuter son journaliste :
Thomas Legrand intervient sur France Inter, depuis la rentrée, avec la casquette de journaliste de Libération. S’il avait été journaliste de la rédaction chez nous, il aurait été déclaré en faute sur beaucoup de points de déontologie, du conflit d’intérêt au devoir de réserve, en passant par le soupçon de connivence, et par la loyauté envers l’entreprise.
Personne n’objecte, dans les rangs du Sénat. Même pas sur les bancs de gauche, bien que les sénateurs de gauche soient majoritaires dans cette audience.
Là, j’arrête le visionnage. Ce n’est plus drôle.
À quoi a-t-on assisté dans cette audition ?
À ce qu’un patron, désinhibé, se croit autorisé à imposer à ses employés.
La patronne de Radio France ne se sent limitée par aucune loi. Ni celle du père ( la tutelle ), ni celle de la société ( la sphère médiatique, la sphère politique, la sphère syndicale ). Ses pulsions violentes ne rencontrent aucune limite.
Ainsi, elle se vante d’« imposer une déontologie stricte des journalistes ».
Ne cherchez pas le lapsus. Il n’y a dans cette phrase qu’un banal retournement orwellien :
Ce dont elle se vante, en réalité, c’est d’« imposer un contrôle strict des journalistes ».
La déontologie, dans la bouche de ceux qui détiennent un pouvoir quelconque sur les journalistes, ce n’est que le mot-alibi pour faire accepter le contrôle.
J’imagine que je viens de m’obliger à une chronique sur le concept de déontologie.
Bonne semaine en attendant !
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COLUMBIA
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Les fans auront reconnus James Stewart dans Mr Smith au Sénat, traduction assez bien inspirée de Mr Smith goes to Washington ( Franck Capra, 1939 ).
À ceux qui croient que James Stewart n’est pas l’Élégance personnifiée, je dis d’accord sur ce film, il faut attendre encore. C’est dans sa période hitchcockienne que sa classe naturelle explose. Il parvient au sommet entre 1956 ( The Man Who Knew Too Much ) et 1958 ( Vertigo ). Qui pourrait le challenger ? Errol Flynn et Gary Cooper avant lui ? Cary Grant et Gregory Peck après ? Et pourquoi pas Steve Mc Queen et Paul Newman, tant qu’on y est ?
Delphine trépigne et piétine
Un « accord de méthode » a été proposé aux syndicats de France Télévisions pour accélérer la renégociation de l’Accord d’entreprise. La patronne est pressée : elle veut réduire la masse salariale en rabotant les avantages sociaux. Inversement, les représentants syndicaux ont intérêt à freiner des quatre fers. Vont-ils refuser de signer ? Pas si sûr. Car rien n’est simple à l’intérieur de notre cerveau.
1er octobre 2025
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Imaginez-vous en hélicoptère, survolant une autoroute au trafic fluide. Soudain un camion-citerne part en glissade. Il se met en travers et s’immobilise. Vous voyez une voiture blanche s’encastrer entre les essieux de la remorque renversée. Une autre, percuter la cabine. Une troisième, qui va emboutir la première. Les deux voies de circulation s’embouteillent à vue d’œil : dix, vingt, trente véhicules. Mais curieusement, aucun ne s’est arrêté sur la troisième voie, la « bande d’arrêt d’urgence », ni ne l’a empruntée.
Ce phénomène est banal, et connu des spécialistes de la circulation routière. Au volant, en situation d’urgence, nous nous concentrons sur le freinage, plutôt que d’essayer de contourner l’obstacle. Pourquoi ? parce qu’au pire, nous allons taper, nous « voyons » la fin. Tandis que partir à droite, en réaccélérant pour mieux contrôler la trajectoire… c’est plus osé. Ça nous emmène où ? Vers l’inconnu. Et la peur de l’inconnu fait appel à la peur du noir.
Autre séquence, autre scène :
Imaginez Madame Ernotte recouvrant l’ouïe. Elle entend que 68 millions de Français sont choqués d’apprendre qu’avec leurs impôts, elle verse en moyenne 70 000 euros ( brut annuel ) au personnel de France Télévisions. Elle débarque chez les organisations syndicales avec « le plan Ernotte 75 », un plan d’économies qui tient en une ligne :
La rémunération annuelle maximale ( hors ancienneté ) est fixé à 75 000 euros brut.
Ceux qui gagnent au-dessus ont le choix : accepter la réduction, ou partir, avec indemnités.
Champ contre-champ, gros plan sur elle, quand elle enfonce le clou : La mesure s’appliquera d’abord à moi-même. Je veux donner l’exemple.
Et là, tout change. On comprend que c’est sérieux. Un feu d’artifice d’actions judiciaires se déclenche contre le projet. Saisine du Conseil constitutionnel, des tribunaux civils, de la Cour européenne des droits de l’homme… Tout est bloqué, pour un bon bout de temps. En attendant, les salariés concernés peuvent dormir tranquilles, leur grosse paye est maintenue.
Sauf que :
Commence un curieux défilé à la direction RH. En catimini, des gens évoquent leur intention de partir. Ils demandent une « simulation de l’enveloppe ». Certains avouent somatiser. Ils n’en peuvent plus, de cette période d’incertitude, et en fin de compte, d’inquiétude.
Difficile à imaginer ? Les gens sont fous ? Non. C’est humain, et très partagé. Informés d’une aggravation prochaine de leur situation, les salariés n’ont de cesse que de la voir survenir. L’incertitude sur la date du crash devient insupportable. Quand les militants syndicaux jouent la montre contre un plan social, ce sont les salariés qui viennent leur mettre la pression « pour être fixés ». Même toucher sa paye en restant à la maison devient in-sup-por-ta-ble.
Ces deux exemples, le carambolage et le plan Ernotte 75, nous permettent de comprendre pourquoi il ne serait guère impossible de voir les représentants de personnel craquer.
Certes, en soi, un accord de méthode, c’est chose banale :
Définition > Accord de méthode
L’accord de méthode est un contrat entre le Chef d’entreprise, d’une part, et les syndicats ouvriers, d’autre part. Il a pour objet de convenir des formes et délais des consultations et négociations sociales prévues par la loi. Il est un excellent moyen de sécuriser juridiquement ( du point de vue patronal évidemment ) les procédures et maîtriser les délais.
Le texte est clair : on peut parfaitement imaginer que Madame Ernotte veuille passer d’une négociation prévue en 24 mois… à 24 semaines, ou même 24 jours. Il suffit qu’elle fasse signer quelques-uns des principaux délégués syndicaux.
Ce sont ceux qui refusent qui ont raison. Il faut d’abord installer le rapport de force. Tout bloquer. Quand on a gagné ce qu’on pouvait gagner, alors, et alors seulement, on laisser filer l’agenda qui arrange le patron.
Mais ça, c’est un schéma idéal.
Sur le terrain - le terrain psychologique - , nos amis se débattent avec leur propre humanité, leur peur du vide, leur vertige, leur terreur du noir, et avec le poinçon de l’incertitude. Certains, et peut-être tous, risquent de craquer et signer l’accord de méthode avant de négocier.
Ils ne sont ni des traîtres, ni des lâches, ni de grands naïfs. Ils sont des gens normaux, évoluant en terre inconnue, et donc soumis à une pression latente.
La solution ?
Elle est en chaque journaliste, chaque PTA de France Télévisions. Il faut et il suffit d’envoyer un tout petit mail à son représentant syndical. Il se sentira soutenu, et pourra opposer un paquet de mails à son DRH.
Un modèle, vite fait ? Il suffirait d’une ligne, par exemple :
Pierrot, bonjour, je suis d’avis de ne pas signer l’accord de méthode. Tiens bon !
Et c’est tout. Une centaine de ces mini-mails, et c’est réglé.
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Photo titre :
Alice Cueye, notre graphiste, a utilisé un détail d’une œuvre de J-M Felzenszwalbe, peintre abstrait contemporain, magicien ( ou sorcier ) des formes et des couleurs.
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Respect pour Monsieur Louis Chedid, dont les quelques mots d’une de ses grandes œuvres auront été repérés par ses fans le plus avertis. Un indice ? Ainsi soit-il.
Et pourquoi pas antisocial ?
Nous avons constaté que dans la galaxie France Télévisions sévit un drôle de métalangage.
On y travestit à loisir les mots, comme indépendance, qui n’est plus celle des rédactions mais celle de Madame Ernotte vis-à-vis des producteurs, ou comme neutralité, qui n’est plus celle de la télévision publique, qui y est astreinte comme tout service public, mais une neutralité imaginaire, celle que, dans les fantasmes des dirigeants de la télévision publique, chaque journaliste devrait observer au mépris de sa nécessaire liberté d’expression.
30 septembre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
La direction de France Télévisions utilise les mots comme une arme de domination mentale.
Pour s’en défendre, les gens ont à reprendre le contrôle de leur langage.
Là, la psychanalyse a son utilité. Les mots sont sa matière première. Elle a de longue date intégré la linguistique, la sémantique, la sémiotique, à sa boîte à outils. Nous essaierons sur ce blog de rendre aux mots dénaturés, pollués, tordus, empuantis, leur sens réel.
Venons-en au sujet du jour : l’expression « accord social ».
Que signifie-t-elle, dans la bouche de sa promotrice, Madame Ernotte ? Pourquoi substitue-t-elle « accord social » à « accord d’entreprise » ?
Quel est l’enjeu ?
Pour le comprendre, il faut reprendre la définition d’accord d’entreprise :
Définition de > Accord d’entreprise
Un accord d’entreprise est un contrat, avec deux parties, le chef d’entreprise d’un côté, les syndicats ouvriers de l’autre.
Son objet est d’améliorer les conditions d’emploi du personnel par rapport aux conventions collectives nationales et par rapport à la règlementation, et accessoirement, de préciser l’organisation du travail.
Une fois signé, l’accord d’entreprise engage le patron vis à vis de tous ses salariés.
Il peut être dénoncé par l’une ou l’autre des parties. Il peut disparaître complètement si les parties ne se mettent pas d’accord sur un nouvel accord d’entreprise.
L’accord d’entreprise fait partie des modalités « civilisées » de la revendication sociale, à côté de l’agit-prop syndicale, de la grève, des consultations du CSE, des motions de défiance… Avec un accord d’entreprise, le patron accepte d’octroyer du mieux, pour répondre à la pression de son personnel, ou pour se donner la satisfaction narcissique d’être reconnu comme un bon patron.
Définition de > Accord social
Il n’y en a pas. « Accord social » n’est pas un concept juridique.
Si on la considère du point de vue strictement lexical, cette formule gratuite est simplement stupide : c’est comme si on proposait un « bon accord », ou un « accord désirable ». Merci bien !
Sous de nombreuses libellés approchants, la formule est utilisée pour vanter un accord… précisément antisocial.
Par exemple, dans la galaxie CANAL+, au début de ce millénaire, Monsieur Messier avait lancé un programme de dégraissage récurrent propre à contourner la loi sur les PSE (plans de sauvegarde de l’emploi). Il fut baptisé Accord d’accompagnement social. Normal, CANAL faisait tout mieux que les autres.
A France Télévisions en 2025, la patronne veut installer, par sa trouvaille, un environnement ouateux, trompeur. On va vendre du deal gagnant-gagnant, je te donne, tu me donnes. Rien à voir avec la logique d'un accord d’entreprise !
En avant-première, on vous offre le sketch, vite fait :
Ils débarquent dans la grande salle du CSE. Une escouade de DRH et d’experts.
Ils attaquent :
Eh les gar(ce)s !
On va négocier.
Avec l’ancien accord, vous aviez 100.
Avec le Code du travail, vous auriez 20.
On vous propose 60.
Fair-play ! Nous, ça nous fait gagner 40, et vous aussi, vous gagnez 40.
Un deal gagnant-gagnant !
Faut-il commenter ?
Tu entends ça, et tu perds ton sang-froid.
Un accord social, c’est un accord d’entreprise antisocial.
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Crédits
Photo titre :
Alice Cueye, notre graphiste, a utilisé un détail d’un tableau de Jean-Marc Felzenszwalbe, peintre contemporain dont la peinture aux couleurs assassines vous démantibule le cerveau. Il expose rarement, il faut aller le voir à Paris du 22 au 29 novembre chez Xenithia Nomade.
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Salut à TRUST, le groupe qui n’a pas attendu la bien-pensance pour mettre en place un line up de toutes les couleurs, religions, orientations sexuelles et opinions.
C'est le président Sarkozy ? Et alors ?
Par jugement du 25 septembre dernier, la 32ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris, présidée par Madame Nathalie Gavarino, a jugé l’ancien Président de la République coupable d’association de malfaiteurs, et l’a condamné à 5 années de prison ferme.
Dans un voyage en Absurdie, que je fais lorsque je m’ennuie, j’ai imaginé sans complexe, interviewer cette femme en duplex...
29 septembre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
Vince
Madame la Présidente, vous avez manifesté contre le Président Sarkozy en 2011. Puis vous avez été appelée à le juger. On peut se demander : n’aurait-il pas été préférable de vous déporter volontairement, pour ne pas prêter à polémique ?
La juge
Votre question me permet d’abord de corriger : contrairement à ce que vous semblez croire, je ne suis pas au Syndicat de la Magistrature, classé très à gauche, mais dans un autre syndicat. Et mes opinions politiques ne regardent que moi.
Ensuite, sur le fond : si je me déporte pour un ex-président de la République, pourquoi ne pas le faire pour les simples citoyens qui ont les mêmes opinions que lui ? Que devient l’égalité devant la justice ? Monsieur Sarkozy devait être jugé exactement comme les autres.
Vince
Vous me faites penser à Joseph Tual, grand reporter de France 3. Il exprime ainsi la neutralité de ceux qui travaillent au service du public : un directeur de la sécu ne sert pas les assurés en fonction de ses opinions politiques.
La juge
Exactement. Ce journaliste et moi sommes du même bord, celui de la République.
Vince
Entrons sans plus attendre dans le procès. Coup de théâtre pendant les débats : vous écartez la preuve la plus forte, ce document signé, par lequel la Lybie se serait engagée à financer Monsieur Sarkozy à concurrence de 50 millions d’euros.
Mais de ce fait, les accusations de financement illégal tombent.
D’où l’idée que, pour vous, l’association de malfaiteurs a fonctionné comme une voiture-balai, vous voyez ce qu’on sous-entend par-là.
La juge
Regardons y de plus près. Vous en avez vu combien, de ces films où la police attend que les voyous sortent de la banque pour les arrêter ? Et combien de films où, parce que les voyous, pour une raison ou pour une autre, n’entrent pas dans la banque, la police laisse filer ?
Vince
Beaucoup, c’est vrai.
La juge
Cette infraction, association de malfaiteurs, permet de condamner les délinquants même s’ils n’ont pas encore agi.
Vince
Mais c’est condamner sur une intention, c’est terriblement dangereux, non ?
La juge
Pas sur une intention, sur des actes. Si trois salafistes fichés S achètent des produits pour fabriquer une bombe artisanale, qu’ils se mettent à passer leurs journées en repérages dans le RER, qu’ils communiquent par des téléphones prépayés, ce sont des actes préparatoires ; devrait-on attendre l’attentat pour les arrêter ? Et si on les arrête avant, c’est sur quelle infraction ?
Vince
Mais dans le cas de Sarkozy, on n’a pas tout ça. L’instruction n’a pas prouvé que…
La juge
Qu’a mis en évidence l’instruction ?
D’abord, la consanguinité entre les amis de Kadhafi et les amis de Sarkozy. Assumée. Jusqu’à partager les mêmes villas, les mêmes piscines, etc... Que font-ils ensemble ? Que veut chaque groupe de l’autre groupe ?
Les Français veulent se financer, et accessoirement trouver des marchés.
L’État terroriste lybien, lui, veut acquérir une respectabilité internationale pour servir les lubies panafricaines de Kadhafi, et des armes, et une centrale nucléaire.
Cet échange, c’est le mobile de leur association.
Quant aux preuves matérielles, il n’y avait qu’à se servir dans le dossier :
Des dizaines de personnages impliqués, politiques français, cour de Kadhafi, et quelques terroristes d’État. Des centaines d’interrogatoires et de dépositions, où l’on entend bien des mensonges mais aussi des aveux. Des milliers de pièces, carnets de notes, fichiers informatiques. Quelques valises de billets de banque. Enfin une épidémie d’accidents parmi les personnages-clé : arrêt cardiaque en salle de réa, suicide, noyade dans le Danube…
Les preuves pullulent, l’association est prouvée, et le chef est identifié. Il s’appelle Sarkozy. Les autres le servent sans faillir.
Vince
Oui, j’ai lu que, quand ça devient chaud pour lui à l’instruction, il « jette sous le bus » son bras droit et son bras gauche. Il sacrifie Guéant et Hortefeux.
La juge
Et eux vont accepter de se sacrifier pour lui. Notez que nous en avons tenu compte, par humanité : Guéant écope de 6 ans mais en fera 0 compte tenu de son âge, et Hortefeux va purger une peine de 2 ans à l’air libre, aménagée par bracelet.
Bref, l’association de malfaiteurs est la bonne qualification, et son chef en est archi-coupable. Mais encore… les faits sont d’une gravité unique dans notre Histoire ! Je veux l’expliquer :
On soupçonne que, dans la Vème République, tous les partis transgressent les lois pour se financer. Et quand un parti politique se finance, qu’offre-t-il en échange ? Des passe-droits, des marchés publics, un permis de construire, un emploi.
C’est mal, ça ressemble un peu à une république bananière.
Mais dans le cas de Kadhafi, on est loin de la commande de trois ronds-points sur une commune de 490 âmes. Sarkozy, en négociant avec celui qu’il appelle « le Guide », négocie contre nos intérêts. Par exemple, l’équipe Sarkozy aurait participé à la protection de Senoussi, le bras droit de Kadhafi, responsable de l’attentat à la bombe qui a tué 170 personnes à bord d’un avion de ligne français en 1989.
S’entendre avec Kadhafi, n’était-ce pas une forme d’intelligence avec l’ennemi ?
Or c’est un ennemi, puisque nous allons lui faire la guerre, jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Vince
Justement… Comment expliquez-vous que la fiesta se transforme en guerre ?
La juge
J’ai mon idée, et je la garde pour moi. Vous savez, un juge, ça s’occupe des mobiles des hommes, par de leurs ressorts.
Vince
Je vois : les mobiles sont conscients, les ressorts sont inconscients. Vous êtes en train de me souffler que la guerre contre Ka…
La juge
Je ne souffle rien. Dans cette affaire, guerre ou pas, il y a trahison des intérêts du pays. Sarkozy a beau arracher un arbre et nous l’envoyer à la tête pour que nous ne voyons pas la forêt, nous voyons sa trahison.
La gravité de l’infraction s’avère sans commune mesure avec ce qui avait été réprimé auparavant dans notre histoire judiciaire. A délit exceptionnel, peine exceptionnelle.
Vince
Bigre. On comprend mieux.
Dernière question, Madame la Présidente. Pardonnez-moi, elle est un peu personnelle, mais je dois la poser. On a entendu que, pendant ces quatorze semaines d’audiences, Sarkozy vous aurait beaucoup énervée.
La juge
Énervée n’est pas le mot.
C’est comme l’idée d’une vengeance des magistrats, appelés « petits pois ».
Faut arrêter avec ces suppositions, les nerfs, la vengeance, les vapeurs. Nous, nous serions de pauvres magistrates instables émotionnellement ? Les bras m’en tombent.
La vérité, c’est que nous avons un prévenu dans le déni, même quand il est pris, même avec des preuves qui l’accablent... Or vous savez, toute l’année, nous voyons défiler des « racailles », qui nous défient, qui s’estiment non concernées par la loi. Alors quand c’est Sarkozy, le défenseur de l’ordre public, qui s’est fait élire sur ce thème, qui nous nie, qui nous méprise, nous l’autorité judicaire, c’est juste… inacceptable.
De manière réfléchie, et non pas revancharde, nous avons agi de sorte qu’il aille physiquement en prison.
La prison ferme, avec mandat de dépôt, se justifie par l’exemplarité.
Vince
Ça signifie que, s’il avait adopté une autre attitude, il n’aurait pas pris une peine ferme ?
La juge
Sans commentaire.
Vince
Je me garderai d’insister. Merci mille fois, Madame la Présidente.
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Photo titre :
L’HUMANITE / Florian Poitou / ABACAPRESS
Alice Cueye pour le graphisme.
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
J’ai un peu honte de le citer, mais puisqu’il faut traiter également tout le monde, alors je rends ici hommage, comme je le fais pour tous les artistes auxquels j’emprunte une référence… à Michel Sardou. On reconnaitra une strophe de Être une femme.
Les contes de la cour
Le 23 septembre 2025, la Cour des comptes a publié, dix ans après le précédent, un « rapport » sur les comptes de France Télévisions. Tiens donc ! Les sages de la rue Cambon se remettent à travailler sur l’audiovisuel public ? Qui les a saisis ? Et pourquoi nous livrer, en guise d’analyse comptable, une histoire à dormir debout ?
25 septembre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
C’est en tout cas un texte captivant. Sur 160 pages, on nous raconte, sans recul ni malice, parfois avec une involontaire truculence, comment on parvient à dépenser chaque année un pactole de 3 milliards d’euros. Et ensuite, dans un accès de monstrueux culot, pourquoi il faudrait encore investir (!), et encore restructurer, pour que ça marche encore mieux à l’ère du numérique.
On sort de cette lecture avec un doute horrible : et si ce rapport était, entièrement, de la conception aux chiffres, fake ? Un conte, destiné à justifier le projet élyséen pour la télévision publique.
Nous allons, dans les prochaines semaines, prendre le temps de détailler les différents aspects du rapport. Commençons par le point nodal : le déficit, décrit comme mortel par « les sages de la rue Cambon ».
Pour la psychanalyse freudienne, ce que l’on éprouve face à un déficit financier ne résulte jamais du déficit en lui-même. D’abord parce qu’il s’inscrit dans le rapport, très personnel, de chacun à l’argent. Ensuite parce que le concept même de déficit suggère des enjeux psychiques - excitation, frustration, jouissance. Ainsi, un même déficit peut occasionner à deux sujets des émotions différentes, voire inverses. Et donc, quand le rapport dénonce un risque mortel, et à compter que ce soit de bonne foi, la proposition ne décrit pas une situation objective, mais l’émotion de l’analyste de bonne foi.
Allons y regarder de plus près. Il suffit d’imaginer :
Vous gagnez 2 500 euros net par mois, après prélèvement des impôts. Vous essayez de bien gérer votre budget parce que, si ce n’est pas la misère, vous n’avez pas non plus de quoi mettre de côté. Donc, sans trop stresser, vous faites attention.
Un SMS de la banque. Madame Hébrard veut vous parler. Sympathique, mais rigoureuse, votre chargée de compte. Elle veut vous alerter pour éviter un courrier désagréable.
Le problème ?
Depuis le début de l’année, vous dépensez, chaque mois, relevé bancaire faisant foi… 2 503 euros.
« 2 503 ? Répétez-vous, incrédule. La chargée de compte confirme. Elle ajoute :
- Ce n’est pas encore très grave, juste inquiétant.
- Mais en quoi ?
- C’est que, depuis 7 ans, vous étiez à 2501.
- Ah bon ? Et… et alors, qu’est-ce que je dois faire ?
- A vous de voir. Vous êtes en surendettement. En cumulé, ça…
- J’ai fait une terminal S, madame Hébrard, je peux calculer. 1 euro sur 7 ans ça fait 80 euros, pour un revenu annuel net de 30 000 euros. Je vous dois 80 euros.
- C’est cela, oui. »
Le rapport de la Cour des comptes, c’est exactement ça : 80 millions de déficit cumulé sur 7 ou 8 ans, sur un budget annuel de l’ordre de 3 milliards.
Impossible d’imaginer que Monsieur Pierre Moscovici, premier président, à l’humour pour le moins discret et à la rigueur indiscutée en matière de chiffres, ait pu signer ce rapport qui déclare France Télévisions en état de mort clinique.
Dans son langage d’analyste comptable, le déficit de France Télévisions, c’est « l’épaisseur du trait ». Autrement dit, il est d’un montant négligeable par rapport à l’importance du budget.
En conclure à la déconfiture du groupe, en appeler à une intervention de l’État, voire à une dissolution, interroge sur le sérieux de la Cour des comptes.
Si les chiffres sont vrais, alors l’entreprise n’a pas de problème de déficit. Et si, par souci d’orthodoxie comptable, on tenait à strictement équilibrer, il serait en vérité très facile de réduire les dépenses à concurrence du déficit.
Donc, si les chiffres sont vrais, le discours alarmiste est nécessairement faux.
Je ne vous jette pas la pierre, Pierre, mais pourquoi cautionnez-vous ces salades ?
Vous êtes en train de quitter cette sinécure absolue qu’est la présidence de la Cour des comptes. Quelle est la prochaine ?
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Photo titre :
RTL / Dimitar Dilkoff / AFP
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Spéciale dédicace à la troupe du Splendid dont les fans auront reconnus, tapies dans le texte, deux répliques du Père Noël.
Le diable s'habille en Prauda
Pascal Praud, journaliste sportif émérite, le sait bien : quand le pilote démarre sa moto, chargée d’un JRI et de sa caméra, c’est quelques 400 kg qu’il va emmener sur les routes du Tour. La confiance du journaliste doit lui être acquise ; la sécurité du duo est entre ses mains, à travers les foules, la canicule, les grains. Quand la moto file en descente à plus de 100 km/h, et que la confiance est totale, le JRI se lève de la selle pour mieux saisir la performance des descendeurs, et il lutte contre le vent, à la force du dos et des abdominaux. Le motard adapte sa conduite, offre à la caméra les meilleurs angles, évite de chasser dans les épingles à cheveux, réaccélère en douceur - ne pas déséquilibrer l’attelage.
22 septembre 2025
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S’il existaient des humains extraterrestres, ils seraient des motards du Service des sports.
Quand le motard augmente sa prise de risque
Quand le même motard est requis pour emmener un journaliste couvrir une manif de gilets jaunes, ça se complique. La foule est hostile. Alors on va protéger la petite équipe. Une moto devant, une autre derrière, sécuriseront le reportage.
Notre motard accepte de prendre le risque. Demandez-lui pourquoi. Il l’ignore.
Quand le motard est délibérément mis en danger
Et puis quelqu’un là-haut, à l’étage de la direction RH, observe que 3 motos pour une sortie, ça fait quand même cher. En même temps, faut protéger le matériel, et l’équipe. Donc, on va couper la poire en deux : on mettra une moto, et pas deux, en couverture.
Première sortie : il apparaît que pour protéger le matériel et le JRI, la moto de couverture doit suivre, plutôt que précéder. Ainsi donc, le motard se retrouve directement face à face avec la foule. Mais ses deux mains sont au guidon. Ses reins sont pratiquement immobilisés par les 4 quintaux de la moto chargée. A l’arrêt, il ne peut esquisser le moindre geste. Son visage, sa poitrine sont offerts aux projectiles. La mise en danger de notre héros est à la fois monstrueuse et totalement assumée par la direction RH.
Un diagnostic sévère
Si Pascal Praud le sait, et si même votre serviteur le sait, alors à l’évidence, la grande patronne de France Télévisions le sait.
Un lecteur m’a écrit ( en commentaire de la chronique Brutale du 31 août ), que cette femme souffrirait d’alexithymie ( mécanisme de défense psychique consistant à faire taire les affects ). Il s’en suivrait un comportement de sociopathe ( indifférence vis-à-vis des émotions et des droits des autres ). Explication intéressante, car le motif d’économie ne tient pas quand la vie des équipes de tournage est mise en danger.
Quand ce sont les journalistes de C News qu’on met en danger
Venons-en à l’attaque contre C News, qualifiée de « média d’extrême droite ».
On consacrera certainement une chronique à ce concept vaporeux d’extrême-droite. Ce qui est cependant clair dans la dénonciation, c’est qu’elle fonctionne comme une injure. L’extrême droite, peu important sa définition, c’est le diable.
Elle met une cible sur nos vies, proteste Pascal Praud.
On peut ne pas l’aimer, Praud ( d’ailleurs qui le trouve aimable ? ), mais on ne peut ignorer son cri d’alarme. Si la patronne de France Télévisions se fiche du sort de ses propres motards de presse, comment imaginer qu’elle se préoccupe de celui des reporters de C News ?
Praud s’estime diabolisé quand sa chaîne l’est. Pas faux. Il en est l’une des figures. Il riposte en montrant des images de journalistes de C News agressés par des manifestants. Le danger est réel.
Le grain de sel du psy
Le conflit Ernotte / Praud a pour origine la diffusion d’une vidéo montrant des journalistes de l’audiovisuel public conspirer avec des socialistes ( voir chronique Oups du 9 septembre ). Il est clair que l’attaque contre C News veut opérer diversion. Mais quoi, pour un accroc dans la neutralité du service public, autrement dit pour une tempête dans un verre d’eau, on n’hésite pas à exciter la populace de gauche ? On comprend mal cette disproportion.
A moins que notre lecteur n’ait raison : bien malgré elle, car souffrant de sociopathie, cette femme reste étanche au sort des journalistes de C News… tout comme elle se révéla insensible à la mise en danger des siens.
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Photo titre :
Canal+ / C News
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Spéciale dédicace au nanar réalisé par David Frankel en 2006, d’une vacuité telle qu’aucun spectateur de l’époque ne semble se souvenir de la fin du film.
Les silences de Patrick
Ils sont quatre, dans un café parisien, à conspirer. Deux cadres nationaux du PS, dont l’Histoire ne retiendra pas les noms. Des corrupteurs ? Et deux vedettes de l’audiovisuel public, Thomas Legrand et Patrick Cohen. Des corrompus ? L’objectif est clair, dégager Rachida Dati de la course à la mairie de Paris, et à terme, favoriser le candidat de la gauche modérée à la prochaine présidentielle. Legrand se fait prendre par la patrouille. Cohen en réchappe. Les deux commanditaires, eux, ne sont pas inquiétés.
19 septembre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
Curieusement, aucun des quatre ne proteste contre le sort fait au seul Thomas.
Que révèle cette punition… acceptée ?
La réponse se trouve peut-être au cinéma :
Dans une scène culte, quatre casseurs d’élite se réunissent pour envisager un dernier job.
Neil ( Robert de Niro ) et Chris ( Val Kilmer ) étant les chevilles ouvrières, ce sont les deux autres qui sont appelés à se positionner.
Michael ( Tom Sizemore ) affirme très clairement son accord.
Celui de « Trejo » ( Danny Trejo ) est passif, comme s’il n’avait pas besoin de protester de son allégeance au groupe, comme si elle allait de soi.
Avançons dans le film.
La tension monte de minute en minute. On entrevoit que, cette fois, ça va mal se passer. Mais précisément, là, qui distinguerait entre la culpabilité de Michael et celle de Trejo ?
Vous pouvez anticiper avec plaisir la capture, ou la mort, des truands ou bien, prenant fait et cause pour eux, espérer qu’ils s’en sortent. Mais il ne vous viendrait pas à l’idée de dissocier leur responsabilité respective. Ils sont à mettre dans le même sac !
Retour à nos histoires de bobos journalistes :
Quand on suspend Legrand parce qu’il a dit son intention à haute voix, mais qu’on acquitte Cohen parce qu’il n’a pas dit son intention à haute voix… on se fiche de nous.
C’est de dire ce qu’on fait, qu’on est coupable ? Si je fais, mais sans le dire, pas de problème ?
Qui a le moindre doute que Cohen, tout autant que Legrand, a l’intention de taper Rachida, et dans le même objectif ? Comment peut-on accepter que seul Legrand soit inquiété ? Si l’un est jugé innocent, l’autre l’est aussi, point barre !
Point final ?
Pas tout à fait.
Admettons que seul Legrand soit juridiquement coupable. So what ? Et la solidarité confraternelle, alors ? Pourquoi Cohen ne se retire-il pas de son émission, comme on y a contraint Legrand ? Une génération plus tôt, cette forme de solidarité était la règle.
Et puis, au-delà de la confraternité entre journalistes, il y a la lutte. Pourquoi Cohen abandonne-t-il un camarade ? Les deux sont censés se battre pour le socialisme, non ? C’est quoi, la société que Cohen appelle de ses vœux ? Le chacun pour soi au boulot ?
Patrick Cohen, belle personne au micro, ne serait-il pas, en vrai, un petit monsieur ?
D’abord, je ne le crois pas. Ensuite, il n’y a pas de petites gens en psychanalyse. Il y a des histoires, qui expliquent des profils.
Si l’on part dans cette direction, doit-on imaginer une concertation off the record, entre nos deux casseurs et les directions de Radio France et France Télévisions ?
Si c’est le cas, c’est encore plus grave que le manque de solidarité. Car cela signifierait que la radio publique reconnait rouler pour la gauche, sur le compte des Français. Ce serait une trahison, du service public. Et de Radio France, dont l’existence est menacée.
Trahison.
En psychanalyse, les pistes ne sont pas des fragments d’ADN. Ce sont des mots.
Trahison.
Redémarrons le film là où nous avions mis sur pause.
Le casse foire. Les flics les attendaient. Qui a trahi ? Le taiseux.
Comme c’est bizarre !
Patrick, pourquoi trahis-tu ?
Ton deal avec la direction, qu’il soit express ou tacite, et que tu en mesures, ou pas, les réelles conséquences, c’est un couteau planté dans le dos de l’entreprise publique.
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Photo titre :
Regency Enterprises
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Oncle Vince pour le texte principal.
Il y est bien sûr question de Heat ( 1995, Warner Bros ), le plus grand des films de braquage, et l’un des deux chefs d’œuvre de Michael Mann ( avec Révélations, nous y reviendrons ).
A ce sujet, appel au lecteur :
L’unique faiblesse du film est l’irréalisme du flic, incarné par Al Pacino. Celui-ci exagère tout, du langage aux émotions en passant par la gestuelle. Caricatural. Comment est-ce possible, alors que Dieu est encore pour quelques années au sommet de son art ?
Une piste est offerte par le documentaire Heat, l’histoire du film, que l’on trouvera sur La chaîne de Sacha ( YouTube ). On y apprend que le flic vit sous l’emprise de lignes blanches.
Là, on comprend le jeu extraverti. Du coup, on peste contre le réalisateur qui a supprimé les scènes où le héros sniffe. Il semble être allé jusqu’à en interdire toute diffusion à titre documentaire, jusque dans le double DVD qui nous offre une douzaine de deleted scenes. Qui a une idée du pourquoi de cette autocensure ?
Les dégénérés
Sous le titre LA MEUTE ( Flammarion 2025 ), Charlotte Belaïch et Olivier Pérou publient une enquête sévère pour La France Insoumise.
Ce mouvement fonctionnerait non comme un parti politique mais comme une secte, au service du guru Jean-Luc Mélenchon.
9 septembre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
Les deux auteurs, trentenaires, sont des journalistes professionnels qui couvrent la gauche depuis plusieurs années, elle pour Libération, lui pour l’Express puis Le Monde.
Heureux hasard, ils affichent des valeurs et un discours qu’on trouve généralement à gauche.
Enfin ils travaillent pour les deux grands quotidiens de référence qui se revendiquent du camp de la gauche.
On peut en déduire qu’au moment de la publication de leur livre, Jean-Luc Mélenchon les connaît personnellement. De fait, il les connait très bien : ils font partie du premier cercle des journalistes avec lesquels il débriefe et partage des off à chaque séquence de sa vie publique.
C’est un premier élément de contexte : toute cette affaire de La Meute est une histoire de famille. Je parierais volontiers que malgré ce qui va lui tomber sur la tête, Olivier continuera à voter LFI.
Mais voilà que ce premier élément bascule, dès le surlendemain de la publication : les deux journalistes sont exclus des boucles qui relient le microcosme LFI aux médias. En clair : on les prive d’accès à leur espace de travail.
Un parti de gauche s’autorise à nuire à l’outil professionnel de deux journalistes salariés, du seul fait d’un différend sur une enquête. Sur ce coup, LFI coche toutes les cases : son atavisme tribal prévaut sur la démocratie, la tolérance, la liberté d’opinion, le respect du travailleur.
Évidemment, personne chez LFI n’assume la vengeance à l’encontre d’un « délit de plume ». On donne le change en hurlant à la diffamation publique.
C’est le deuxième élément contextuel : des hurlements.
Ne va-ton pas agir en riposte ? You talk the talk, but do you walk the walk ?
Bô non.
Ni le chef, ni la « femme du chef » ( dixit Sophia Chikirou elle-même ), ni la communauté LFI, tous bien arrangés par l’enquête, ne vont porter plainte en diffamation. Parce que, des 200 personnes interviewées, beaucoup l’ont fait à visage découvert, et certaines, ne serait-ce qu’une vingtaine, pourraient bien venir témoigner… à la barre ! Rien que l’imaginer, ça doit les rendre fous, les insoumis. La messe est dite, on n’ira pas au tribunal.
Le front judicaire interdit, Mélenchon réagit dans la presse.
Il va qualifier ces deux jeunes de … « gens dégénérés » ( sic ).
Le psychanalyste s'intéresse, ici, au choix de l'insulte qui, au-delà de la violence verbale, est signifiant.
Car c’est un choix volontaire, et conscient. Mélenchon y met grand sens ; lequel ?
On peut distinguer 3 éléments, qui concourent à la définition et au poids de ce mot dans la bouche de Mélenchon :
1. Tout d'abord le sens premier du mot dégénéré, que tout le monde perçoit, qui fait référence à la perte de qualité par rapport aux attributs d’une espèce donnée : donc ils sont débiles, ils sont déficients, ils sont redescendus au niveau du singe, mutés négativement. Donc peu importe ce qu'ils disent...
Ça, c'est la première dimension du choix de l’insulte.
2. La deuxième dimension est celle de la trahison : il faut être un débile profond pour discuter la ligne, discuter l'action, critiquer les dirigeants. Bref, un dégénéré. Dans son délire, Mélenchon professe que l'action du mouvement, et le mouvement lui-même, n'ont que faire de la démocratie. Exit la libre opinion. Aucune déviance de l'intérieur.
Or ces deux jeunes, qui se situent à l'intérieur, s’autorisent à critiquer. Ce sont donc des traîtres, qu’on va habiller des vêtements du traître. Et face à un traître, il est justifié de procéder par l'insulte.
3. La troisième dimension est liée à la différence d'âge. Si on n'a pas l'âge de Mélenchon, on ne peut pas saisir la fascination d’un vieux pour des jeunes. Olivier et Charlotte, à eux deux, ont à peine l’âge du Vieux ; cette circonstance aggrave leurs péchés.
Ils sont les archétypes du « jeune » militant de la gauche radicale, bien plus que Rima Hassan, ou Sébastien Delogu, ou la marmaille grouillante autour de LFI. Et ce sont justement ces modèles idéaux qui sont défaillants.
D’où l’émergence de la question générationnelle. Sans elle, Mélenchon aurait pu utiliser un autre mot, par exemple décérébré... mais il utilise dégénéré.
Ces trois éléments-là - dégénérescence de l’espèce, trahison politique et fascination générationnelle, conduisent Mélenchon à choisir, très précisément, l’insulte proférée.
Ça nous en dit beaucoup sur Mélenchon, il sera bon d’y consacrer une prochaine capsule...
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Crédits
Photo titre :
Photo originale : Jean-Philippe Baltel, je crois.
Retraitement : Alice Cueye, graphiste
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Respect pour Monsieur Stanley Kubrick, auquel nous empruntons une formule de Animal Mother ( Brute Épaisse en VF ) dans Full Metal Jacket.
Oups. Un journaliste, ça s'empêche ?
Thomas Legrand, éditorialiste vedette de France Inter, et Patrick Cohen, star de l’audiovisuel public, sont enregistrés à leur insu, dans une brasserie, en discussion avec deux cadres du PS. Legrand balance, à voix haute : pour Dati, avec Patrick, on fait ce qu’il faut. La discussion est rendue publique par L’Incorrect. Et le buzz vrombit. Legrand est suspendu par Radio France. Les deux journalistes portent plainte contre le magazine. L’ARCOM convoque les patronnes de la radio et de la télé publiques.
Quel scandale !
9 septembre 2025
Retrouvez l'intégralité de la capsule ici :
De quoi accuse-t-on nos deux héros ? Conflit d’intérêts ? Infraction à la déontologie ? Ils ne se sont pourtant pas cachés. C’est très étrange. Journaliste engagé, c’est interdit, en France ? N’ont-ils pas le droit d’adhérer au PS ? De dîner avec des politiques ? De bavasser sur Rachida ? Et même de militer contre elle ?
En fait, ce que nous comprenons, nous, les auditeurs, de l’extérieur, c’est qu’on charge ces deux journalistes de gauche du péché de partialité qui colle aux basques de l’audiovisuel public. Mais c’est le problème des directions de Radio France et de France Télévisions, proches de la gauche modérée et du pouvoir actuel, que d’assumer leur obligation de pluralisme. Il leur revient d’offrir aux autres sensibilités politiques, y compris « extrêmes », la même audience.
De la partialité de leur boîte, Legrand et Cohen sont innocents.
Pourtant, leur défense fonctionne mal.
Cohen annonce porter plainte, comme si le voleur du scooter pouvait échapper au juge au motif que le passant qui l’a filmé a attenté à sa vie privée. Quelle bêtise !
Et quelle maladresse démontre Legrand quand il explique : c’est plus compliqué que ça, faut nous faire confiance, faut pas décontextualiser. On le croirait pris les doigts dans le pot de confiture !
Pourquoi ne pas assumer ? Ose, ose, Joséphine ! Dis-nous « d’où tu parles ». Ta liberté journalistique doit se fonder sur la transparence : déclare ton vote, déclare tes adhésions politiques. Dès lors, on doit protéger ta liberté professionnelle, à tout prix !
Pourquoi ces maladresses ? Voici une piste :
Le grain de sel du psy
Toute la difficulté, politique et philosophique, du journalisme, réside dans la tension entre, d’une part, le combat pour des « valeurs », et d’autre part, l’effort de se limiter à fournir les informations permettant au citoyen d’arrêter ses propres choix.
Se démener pour des valeurs, c’est gratifiant.
En revanche, pour servir le citoyen, y compris le gilet jaune, l’humilité est requise !
En psychanalyse, on analyse, on ne juge pas. On questionne : le journaliste va-t-il « s’empêcher » ? Va-t-il renoncer à prendre le pouvoir sur les auditeurs ? Va-t-il les servir… et les servir tous ? Quelle balance va-t-il opérer entre principe de plaisir et principe de réalité ?
Or cette tension se résout, très simplement, chez le journaliste vedette : on va pouvoir s’ébattre dans le principe de plaisir, puisque ça marche.
Autrement dit, tant que Thomas et Patrick seront sains d’esprit… et même s’ils sont parfois gênés aux entournures quand on les surprend en flagrant délit, ils ne changeront rien ni à leurs engagements, ni à leur pratique journalistique. Comment leur en vouloir ?
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Legrand : JDD / SIPA / Tissot Clément
Cohen : Télérama / DENIS / REA
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Hommage à Alain Bashung, et à Joséphine Drai, son inspiratrice.
Dénonciation de l'Accord d'entreprise. Brutale ?
L’Accord d’entreprise de France Télévisions, qui fixait le statut et les conditions de travail des gens qui font la télévision publique, n’est plus. Dénoncé. Aboli. D’une même voix, les syndicats protestent contre la méthode particulièrement brutale de l'action patronale. Sur la liquidation du statut, ils ont raison. Sur l'annonce en elle-même, ils ont tort. C’est cette confusion, presque imperceptible, entre le fond et la forme, qui retient l’attention du psy.
31 aout 2025
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Reprenons :
Abolir l’Accord d’entreprise, oui, c’est du brutal
D’un trait de plume, la dénonciatrice anéantit un statut ancien, vivant et en évolution depuis au moins 70 ans. Vaporisées les primes et compléments de salaire. Pilées en petit bois les indemnités de licenciements et de retraite. Le pouvoir de détruire, et la jouissance de l’exercer. Cette patronne est le prédateur de son personnel. Un prédateur : brutal par nature.
Sur ce chapitre, les syndicaux ont cent fois raison.
Dénoncer d’abord, négocier ensuite, c’est encore du brutal
Au prétexte que la loi sociale l’y autorise, la dénonciatrice abolit avant de négocier. Elle casse tout, pour ensuite narguer les syndicats : je vous concéderai quelque chose après coup, et encore, si je veux.
Mais pourquoi ne pas négocier d’abord ? Surtout dans le contexte de la réunion de la télévision et de la radio publiques, en discussion au Parlement. Pourquoi ne pas s’inscrire raisonnablement dans la renégociation prochaine, avec toutes les entités concernées ?
Cela dit :
L’Annonce, en elle-même, de la dénonciation, n’a rien de brutal
La méthode, délivrer en plein été et sans crier gare la lettre de dénonciation, à un moment où tout le monde part en congé, est vécue comme brutale par les responsables syndicaux.
Mais quoi ? Ils auraient préféré un déjeuner au restaurant gastronomique Jules Verne, en haut de la Tour Eiffel - symbole historique de l’ORTF ? Avec annonce officielle de la dénonciation au dessert ?
On s’en fiche, de la méthode. Surtout que :
En avril 2025 ( avril ! ), l’ARCOM publie la profession de foi de Madame Ernotte Cunci, candidate à sa propre succession à la tête de France télévisions pour 5 nouvelles années. Dans ce texte, la page 12 est consacrée à la renégociation de l’Accord collectif. « Dès l’année 2025 », précise la présidente-candidate.
Et oui, quand en juillet, les DRH coursent les représentants syndicaux dans les étages pour leur remettre des dénonciations écrites, ces derniers savent… depuis au moins 3 mois ! A ce moment, l’annonce n’a plus rien de brutal. En même temps, il faut entendre la réaction des gars : on ne s’y attendait pas ! Aïe ! Aïe !
Ce paradoxe, « révélateur », nous intéresse au plus haut point.
Le grain de sel du psy
C’est sans doute étrange pour des pros de l’information, mais il faut accepter comme vraies deux propositions exclusives l’une de l’autre :
- On m’informe en juillet ( proposition A )
est tout aussi vrai que
- l’information était publique dès avril ( proposition B )
Comment est-ce possible ? Deux éléments de réponse, que nous apportent la psychanalyse et la neurobiologie.
La résistance
C’est un premier élément de réponse, théorisé par Freud, devenu classique. Voici un spécimen de résistance :
« Pierrot, Ernotte va nous fiche en l’air l’accord d’entreprise.
- Mo non ! Arrête tes conneries. Dans un an, avec France Médias, faudra tout renégocier.
- Mais si, Pierrot, je te le dis, c’est écrit dans sa candidature à l’ARCOM.
- L’ARCOM, l’ARCOM… Une fois élue, tu la vois s’emmerder avant la fusion ? »
La conscience refoule ce qui nous dérange. Nous recherchons le calme intérieur. Nous ajustons en permanence : d’un côté les événements du monde, de l’autre le fragile équilibre de notre psyché ( psyché : conscient + inconscient ). Nous « résistons » contre ce qui nous déséquilibre.
Nous sommes tous des Pierrot.
Cela dit, au-delà du concept de résistance - développé voici plus d’un siècle - , un nouvel éclairage nous est donné par la neurobiologie :
Notre cerveau recherche la sobriété énergétique
Bad news : le cerveau est l’organe le plus énergivore du corps humain.
Good news : il fait tout pour économiser l’énergie.
Imaginez-vous découvrant la candidature de votre patronne sur le site ARCOM. Vous êtes alerté ! Va falloir réagir, réfléchir, et se battre. En même temps, bon, la guerre n’est pas déclarée. C’est au pire une intention.
Bottom line : vous ne traiterez pas, juste parce que votre cerveau veut s’économiser.
Conclusion
A l’école, on nous a enseigné la rationalité. Des philosophes grecs à Descartes en passant par St Thomas, ce que nous devons faire se résume comme suit :
Comprendre ce que je vois.
Mais, de fait, non seulement nous résistons, mais en plus, notre cerveau veut rester sur off. Il faudrait donc désapprendre le conditionnement scolaire. Car le véritable enjeu est inverse :
Voir ce que je comprends.
Tous les journalistes, et leurs représentants, comprennent ce qui se produit.
Mais qui accepte de le voir ?
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Crédits
Photo titre :
Empruntée à la Web TV Blast de l’excellent Denis Robert. Nos excuses au photographe et au graphiste, anonymes, que nous ne pouvons donc citer. Cela dit, quelle illustration !
Texte :
Oncle Vince pour le texte principal.
Hommage à Audiard le Grand, auquel nous avons emprunté une formule exprimée par Bernard Blier dans les Tontons.